jeudi 15 juillet 2010

Apple et le développement du syndicalisme en Chine

Un texte d'Émilie-Anne Leroux

Cette semaine, j’ai le plaisir de pouvoir assister à une semaine au complet de conférences et d’analyses de spécialistes sur divers sujets différents par rapport à l’actualité chinoise : droit, économie, politique, environnement, syndicalisme, etc.

C’est justement de ce dernier sujet que je voudrais discuter en ce court texte. La présence grandissante et la puissance économique de la Chine sont indéniables, et nous Occidentaux ne savons pas trop comment s’y prendre. Entre autre, plusieurs « China Watchers » tiennent dur comme fer à l’idée que, tant que progressera le développement économique de la Chine, ainsi suivra la démocratie. J’ai toujours été un peu réticente à penser que cette suite allait de soi, mais je n’ai jamais vraiment eu autant de doutes que maintenant.

En fait, il semble y avoir une grande répugnance pour la politique en générale dans la société civile chinoise. Les jeunes chinois ne rêvent plus à la démocratie comme leurs prédécesseurs l’ont si ardemment fait en 1989 ; ils veulent être businessman ou économiste. C’est là où se trouve le futur, et, pour l’instant, c’est ce qui marche pour la Chine : la croissance économique. Mais ça, c’est tout un autre sujet de débat…



Helen H. Wang, auteure de « The Chinese dream », blogue justement à ce sujet. C’est l’exemple d’un texte qui exalte justement la venue de la classe moyenne en Chine qui s’imagine que c’est cette classe qui saura amener la démocratie en Chine. Elle nous dit que « In fact, a former Tiananmen Square demonstrator / student leader told me that he believes China will have a democratic elected government in 10 years. I am hopeful that as the Chinese middle class continues to grow, democracy will arise in its time. »

« I may write about controversial issues like Sino-American relations and the suppression of democracy in China, but I don’t protest in the streets and I most certainly don’t want to lead the next revolution. » Écrit l’auteure de http://angrychineseblogger.blog-city.com/ Je crois que c’est une opinion qui est largement partagée en Chine. Un de nos conférenciers qui est né en Chine, qui a grandi durant la Révolution Culturelle, et qui est maintenant consultant pour des compagnies canadiennes voulant investir en Chine, nous a exprimé une pensée assez similaire. « Pour moi, c’est l’économie » : c’est comme si tout le monde en Chine ne jure que par les paroles de Deng Xiaoping, à la fois sur le plan politique et personnel. Aujourd’hui, personne ne veut vraiment s’en mêler. On dirait carrément que la population chinoise est saturée de toute la politique qui a été l’axe centrale de la vie chinoise durant les décennies maoïstes : tout était teinté de politique dans chaque instant de sa vie, autant public que privé. Si maintenant ils retrouvent plus de liberté dans leur vie privée, ils choisissent de laisser aller cette politique.

Ça doit donc être que cette politique n’est pas si mal? Justement, l’opinion publique ne semble pas être contre le parti communiste chinois. Généralement, les Chinois ne veulent pas vraiment la démocratie : ils ne voient pas de problème majeur avec la façon dont le pays est géré par le centre. Stéphanie Balme, professeure à Science Po Paris vivant à Beijing depuis quelques années nous expliqua les difficultés qu’elle éprouva à essayer de convaincre ces étudiants chinois de l’importance de la démocratie pour une société d’État de droit.

C’est donc justement pourquoi je prends position pour contredire tous ceux qui pensent que la Chine se fera logiquement une démocratie, comme si c’était la suite logique à son explosion sur la scène de l’économie mondiale. Ceux qui pensent que ce sera la croissante classe moyenne qui se prononcera contre le Parti Communiste Chinois en réclamant leur place dans la sphère politique se trompent, selon moi. La réalité est que les renversements politiques ont une toute autre logique. Le pouvoir d’en bas pour renverser le haut provient de tensions sociales. Panem et circenses dis-je! Pain et cirque : la classe moyenne sera la dernière à se révolter contre un gouvernement qui lui a donné ce qu’elle veut et qui désire exactement la même chose qu’elle : la continuation de la croissance économique. Mais ce n’est pas pour dire que tous mangent leur McDo et se content. Ceux qui n’y ont pas accès se prononcent.

Et ce, de plus en plus. Je parle de la croissance des mouvances des syndicats. Seulement dans le dernier mois, deux événements importants ont eu lieu qui démontrent le mécontentement des plus pauvres : les travailleurs migrants. Notamment, le cas de Foxconn et sa fabrique de pièces pour, entre autres, les iPhone. Quelques employés, dépassés par les conditions de travail auxquels ils font face pour leur maigre salaire, se sont jetés en bas de l’édifice. Suscitant, par leur suicide, une série de réactions à l’international face aux conditions intolérables de la vie ouvrière. Plus récemment, deux usines de Honda ont vécu des manifestations dont nous n’avons que très rarement vu en Chine. « The strike forced Honda Lock to suspend production and led Honda Motor to shut its Chinese assembly lines for more than a week ». Chinese migrant workers docile no longer lit l’article de la Gazette concernant ces récents développements. Il souligne l’importance de l’internet pour la mobilisation de ces ouvriers mécontents.

Les prédictions sont plus souvent infirmées que confirmées, et les historiens s’en abstiennent généralement. Mais ce que je retire de tout ce que j’ai appris cette semaine concernant les changements en cours en Chine en 2010 est que ce sont ces classes toujours rabaissées qui se prononceront davantage sur la scène politique, qui mettra à pied la légitimation du parti par la croissance économique. C’est ce que le parti redoute, mais son organisme de syndicat national ne fonctionne pas du tout pour calmer les revendications croissantes de la Chine ouvrière. Qu’en pensez-vous?

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