dimanche 6 décembre 2009

Plaidoyer pour une Chine verte

Un texte de David Ownby

L’avenir de la planète est dès maintenant aux mains des Chinois.

Pourquoi?

Premièrement parce que Kyoto n’a pas très bien marché. En dehors de l’UE, les seuls « succès » obtenus sont le fruit des crises (en Europe de l’Est et en Russie, entre autres) qui ont « déchauffé » les économies locales au profit des conditions climatiques. Deuxièmement parce que si Obama aimerait tourner la page pour que les EU assument enfin leurs lourdes responsabilités, il est handicapé par le refus de l’opposition conservatrice de se départir de la vision nombriliste de Bush-Cheney-Palin (et surtout de son utilité électorale dans la politique de blocage chère à la droite américaine). Les propositions—aussi modestes soient-elles—du Président américain risquent d’avoir du mal à sortir du Sénat. Et, finalement, parce que la Chine est devenue, depuis 2007, la plus grosse contributrice au réchauffement de la planète du fait de son économie, elle aussi surchauffée, et dont le carburant principal reste toujours le charbon. Cette « place d’honneur », la Chine risque de la garder longtemps, ce qui changera la donne pour tous.



Depuis le début des négociations sur la politique à adopter face au réchauffement de la planète, la Chine a tenu le même discours : le problème a été créé par les pays avancés, qui doivent payer en premier les pots cassés; la Chine est un pays en développement et ne saurait hypothéquer son avenir en fonction d’une vision verte qui servirait à pérenniser la pauvreté relative de son peuple; la Chine fait sa part déjà (et malgré tout). Ces arguments, aussi valides soient-ils, cesseront de convaincre sous peu.

Pourquoi? À cause de la masse humaine que constitue la Chine et du fait de la rapidité étonnante de son développement économique. Avec un taux annuel de croissance de 8%, le PIB d’un pays double en 9 ans : c’est de cas de la Chine depuis bientôt 30 ans. Cette révolution industrielle, réalisée à la vitesse lumière, a bouffé des quantités inimaginables d’acier, de ciment, de verre, et donc de l’électricité. De plus, la Chine vit également une transition urbaine de taille qui rajoute à son espace urbain l’équivalent de deux villes de Boston chaque mois. Les nouveaux citadins demandent du logement, du transport, du chauffage (ou de la clim), et donc de l’électricité. Depuis quelques années, 3 ou 4 nouvelles centrales électriques entrent en activité chaque semaine en Chine. Chaque année, la Chine rajoute à sa capacité génératrice énergétique un montant équivalent à la capacité en la matière du Royaume Uni. Et c’est loin d’être fini! Une simple statistique en dit long : depuis peu, la Chine est le plus gros marché automobile au monde; or sur 1000 Chinois, seuls 24 possèdent des voitures (contre 5 sur 10 en Europe et 7 sur 10 aux EU). Certes, la Chine ne sera jamais aussi saturée de voitures que l’Amérique ou l’Europe, mais imaginons le CO2 supplémentaire produit si 2 ou 3 Chinois sur 10 se retrouvaient régulièrement derrière un volant. On serait cuits!

Selon les prévisions, avant 2050 la contribution absolue—en termes historiques—de la Chine au réchauffement de la planète dépassera celle des EU, et les arguments chinois concernant leurs responsabilités ne tiendront plus la route. Ce qui est peut-être rassurant, car en l’absence de nouvelles percées technologiques, la Chine ne trouvera plus chez elle les ressources nécessaires pour alimenter son développement futur. Les réserves chinoises de charbon, entre autres, ne seront plus adéquates après 2020 ou 2030, et la Chine aura à en importer (à partir d’où? Les EU? La Russie?). En d’autres mots, pour des raisons à la fois économiques et politiques, la China aura à chanter une toune plus verte sous peu.

En fait, dans un monde idéal, la China commercerait dès maintenant à se positionner comme leader planétaire sur des questions environmentales. Comme pays à mi-chemin entre le monde développé et le monde en développement, la China aura forcément à résoudre, au cours des décennies à venir, bon nombre de problèmes épineux pour pouvoir poursuive sa croissance économique sans mettre sa population—et celle de la planète entière—à risque. Grâce à sa propre expérience, la China aurait le savoir technologique et les ressources financières nécessaires pour venir en aide à l’Inde, au Brésil, et éventuellement à l’Afrique, dans l’optique de favoriser des révolutions industrielles vertes au sud. Une telle stratégie miserait sur l’efficacité et le savoir-faire de la Chine, et répondrait également à la recherche d’une marque de commerce internationale pour la nouvelle Chine, le marxisme étant démodé et le confucianisme trop chinois pour fonctionner en dehors de l’Asie de l’Est. Et finalement, si la Chine assumait une position de leadership en la matière, les EU n’auraient plus de choix que d’emboîter le pas, ce qui ouvrirait la voie à un partenariat entre les deux gros émetteurs de gaz à effet de serre.

La Chine sera-t-elle à la hauteur? Difficile à dire. À date, la Chine s’est montrée plutôt réticente à exercer du leadership, même sur les questions géopolitiques qui lui sont importantes—rappelons que le Pakistan et l’Afghanistan sont les pays voisins, or la Chine semble garder ses distances. L’exception à cette règle semble être l’influence de la Chine sur la Corée du nord et le Myanmar. S’imposer comme leader demande également des sacrifices, or la Chine semble insister plus sur ses droits que sur ses responsabilités en tant que citoyen de la planète. Et il n’y a pas de doute qu’il est plus facile d’être Stephen Harper et faire l’autruche, ou bien Sarah Palin et faire la victime, que de se comporter comme un adulte et regarder les choses en face. Il serait quoiqu’il en soit un changement radical pour le leadership chinois de s’adresser au monde comme autorité verte.

Mais si pas la Chine, qui?

Aucun commentaire: