dimanche 7 juin 2009

Lu et vu: Marcher sur la corde raide, défis et solutions du droit de l'environnement en Chine

Le 2 juin, l’université McGill recevait Wang Canfa, directeur-fondateur du « Center of Legal Assistance for Pollution Victims » (CLAPV) et professeur à la China University of Political Science and Law, pour une conférence portant sur les défis et solutions entourant le droit environnemental en Chine. Click here for English.


Celui qui, en 2007, avait été nommé « Héro de l’environnement» par le Time Magazine débute sa conférence en posant un constat d’échec : malgré les efforts considérables mis de l’avant depuis l’ère des réformes, l’environnement continue à se détériorer en Chine. Avant 1978, le concept de législation environnementale était totalement inexistant. Depuis lors, la situation a bien changé. Qu’il soit question de pollution des mers, des nappes phréatiques, de l’air, la Chine est, du point de vue légal, au pair avec la plupart de pays industrialisés


Pourtant, ces dernières années, la pollution des sols, causée par les métaux lourds, a entrainé une diminution de 10 millions de tonnes de production de grain, pertes évaluées à plusieurs millions de yuans. À peine 200 kilomètres au nord de Pékin, un désert remplace aujourd’hui ce qui fut jadis de vertes pleines. Dans plusieurs régions de la Chine, la désertification progresse de façon alarmante. La production de déchets d’origine animale progresse aussi à un rythme inquiétant. La production de ces derniers dépasse désormais la production de déchets domestiques qui elle, augmente en moyenne de 12.5% annuellement. Côté maritime, le phénomène de « marrée rouge » (red tide, ou 赤潮), marées toxiques causées par une surabondance de pesticides agricoles ou de détergents industriels dans les eaux, augmente sans cesse depuis les années 60. Pour finir, dans le Sud-Est du pays, les émissions d’oxyde d’azote sont à la base d’importants problèmes liés aux pluies acides qui touchent maintenant près d’une tiers du pays. Ce type d’épisode pluvieux entraine des conséquences néfaste tant pour la faune que pour la flore.


Selon celui que plus d’un considère être l'un des plus éminents environnementalistes de Chine, le problème ne se situe pas au niveau des lois. Les lois sont déjà très sévères, mais la Chine manque de moyens pour s’assurer qu’elles soient mises en application. Selon ses recherches, moins de 60% des entreprises respecteraient la législation environnementale existante. Pour avoir participé à de nombreuses actions en justice, Wang ne peut que constater l’incapacité des tribunaux à rendre des jugements adéquats. Sur 250 cas de pollution majeure, suivis par le CLAPV, seulement 10% des entreprises impliquées eurent à rendre des comptes.

Wang déplore que le système de lois environnementales ne puisse agir indépendamment des préoccupations économiques. Dû à une structure centralisée, les leaders locaux n’ont pas de comptes à rendre au ministère de l’environnement, mais bien au gouvernement central, qui favorise naturellement l’économie. À l’heure actuelle en Chine, les coûts environnementaux ne sont pas encore pris en compte lorsqu’il est temps de calculer la rentabilité économique d’une région.


Au niveau individuel, la même logique s’applique. Les leaders locaux, désireux de progresser au sein de l’appareil étatique, seront jugés exclusivement sur leurs capacités à faire croître le PIB, entrainant toute sorte de d’irrégularités. L’environnement se frappe donc à l’urgence d’une réforme globale du système de méritocratie. Au-delà des chiffres, la qualité d’un leader devrait être jugée par la population, à même de se prononcer sur la qualité de l’environnement. D’une manière générale, la population devrait prendre une place grandissante dans le processus de décision, de façon à ce que l’ensemble du pouvoir ne soit plus concentré entre les mains d’une poignée de fonctionnaires uniquement préoccupés par des considérations économiques.


À un autre niveau, le système de taxation et d’amendes est lui aussi défaillant. Selon le système actuel, la contrainte monétaire liée à l’acte polluant demeure très faible comparée à celle liée au respect des lois environnementales. Dans plusieurs cas, les amendes liées au non-respect des lois environnementales représentent une goutte d’eau dans l’océan des profits réalisables à partir d’une production hautement polluante. Un système de taxation qui taxerait les entreprises en fonction de leurs taux de pollutions pourrait pallier efficacement à ce problème. Dans le même ordre d’idée, les compensations à payer dans le cas d’un non-respect des lois environnementales devrait être fixées en fonction des taux de profits de l’entreprise, tous comme les amendes devraient augmenter en cas de récidive.


En ce moment, les ONG telles que la CLAPV ou l’EPA n’ont pas de réel pouvoir. Même s’ils rapportent aux leaders locaux les cas de pollutions industrielles, leurs recommandations sont rarement prises en compte. Face à une pénurie d’avocats spécialisés en droit environnemental, Wang souhaiterait voir confier un droit d’action à l’EPA. La culture populaire en Chine a trop souvent tendance à percevoir le gouvernement comme un organe aux pouvoirs sans limites (万能), à penser que le bon déroulement des choses ne dépend exclusivement que de l’application des lois. En termes d’environnement, la réalité tend à démonter que très peu de membres du Parti en position de pouvoir ne possèdent des connaissances professionnelles dans ce domaine. Afin de pallier à ce problème, ne serait-ce que de manière temporaire, Wang croit qu’il faudrait envoyer un certain nombre d’experts, qui auraient droit de parole lors des débats et délibérations, siéger au sein de l’organe législative.


Malgré ce tableau peu reluisant, Wang demeure infatigable et plus que jamais déterminé à faire avancer la cause de l’environnement en Chine. Le CLAPV continu à offrir un service téléphonique d’aide légale aux victimes de pollution. Celui-ci a déjà répondu à plus de 10 000 demandes d’aide, offre des formations gratuites en loi environnementale à des avocats chinois et continu à organiser symposiums et conférences comme celle à laquelle nous avons assisté le 2 juin.


Charles Hudon, à Montréal

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