jeudi 11 juin 2009

D’une invisible 20e commémoration du 4 juin 1989 au festif et bruyant 60e anniversaire dynastique

L’an 2009 est loin d'être d’une sinécure pour le fonctionnariat chinois : après la tourmente invisible du 20e anniversaire de Tiananmen viennent les préparatifs pour le 60e de la République populaire de Chine. Alors que le mercure atteint quotidiennement 30 degré dans le nord de la Chine, les mandarins des hautes instances administratives pékinoises ont-ils des sueurs froides? Click here for English.

Déjà, des signes avant-coureurs démontrent qu’on prend l’événement très au sérieux. Le modus operandi des JO est repris : restriction des visas. Plusieurs agences chinoises indiquent qu’à partir de la mi-septembre, soit trois mois avant la date d’anniversaire du 1e octobre, ils ne pourront plus émettre de visas d’affaires.

Le 60e anniversaire de la Nouvelle Chine n’est pas un événement qui se consommera en un jour, la marche vers cette célébration commença déjà…le 1 octobre 2008. Afin de cultiver le patriotisme et la santé de la jeune génération de Chinois, le Ministère de l’Éducation décida d’ajouter le jogging au cursus académique. L’objectif pour avril 2009 était de 120 km pour les petits petits, 180 km pour les collégiens et 240 km pour les lycéens et les universitaires. (L’attentif mathématicien remarquera que ces rondelets numéros sont tous des multiples de 60).

Si les JO se voulaient une vitrine sur la modernisation et la qualité de ses athlètes chinois et si Expo Shanghai 2010 en sera une sur le futur rayonnement de la jeune dynastie, la première parade des armées chinoises du 21ième siècle à l’occasion du 60e sera une vitrine sur sa puissance militaire. Pour Fang Fenghui, commandant de la région militaire de Beijing et député à la XIe Assemblée populaire national (APN), « l'apparition de nouveaux équipements militaires brillants sera l'un des sommets de ce défilé militaire. » Cette 14e parade militaire revêt un caractère particulier dans le sens où lors du premier défilé en 1949, la contribution chinoise à l’équipement militaire se résumait aux chevaux, alors qu’en 2009, comme l’indique Fang Fenghui, « de plus nombreux équipements de fabrication chinoise, encore plus dissuasifs, feront leur apparition dans la parade. »


Quel intérêt revêt cet anniversaire pour ceux qui ne seront pas en Chine dans les prochains mois pour assister aux représentations des ballets de Gardes Rouges et qui plus est, ne sont point mordus de la chose militaire, des lignes bien droite et des uniformes propres propres propres? Une telle exposition (ostentatoire) de la puissance militaire chinoise est une excellente occasion de sentir le pouls de la classe politique américaine et de voir quelle proportion est toujours séduite par la théorie du péril jaune.

La théorie de la menace chinoise est une version «hard» du réalisme dont les influences puisent dans l’histoire des nations fascistes et qui voit que toute puissance montante comme une menace à l’équilibre géopolitique. Les tenants de ce paradigme ne croient pas qu’engager et lier la Chine au système international (théorie libérale) puisse changer quoi que ce soit sinon que de permettre à Beijing de s’enrichir et ainsi moderniser davantage son armée. Pour ces derniers, le 1er octobre prochain sera une angoissante journée où ils réaliseront que la Chine est facilement 20 ans en retard sur la technologie militaire américaine!

Cependant, à 5 mois du 60e, il semble que les périlistes jaunes se font discrets à Washington. C’est plutôt des remarques critiques face à cette école de pensée qu’on retrouve, comme celles de Thomas Barnett, auteur de Great Powers: America and the World after Bush (Putnam Adult, 2009) : « If there is anything to worry about, it’s not China’s massive military; it’s the economy, stupid.»

Avec la crise économique et la nouvelle administration en place à Washington, on retrouve plus de « panda huggers » que de « panda sluggers » autour d’Obama. En 2001, le livre China Threat (Regnery, 2001) de Bill Gertz était très en vogue alors qu’aujourd’hui on assiste à un retour en force de la théorie libérale de la coopération. Le fameux concept de Chine-Amérique (G2) est justement soutenu par ceux qui, à Washington, s’opposent aux tenants de la menace chinoise et voient en une coopération avec Beijing une protection de leurs intérêts nationaux. Est-ce que Beijing est soulagée que le péril jaune prenne de l’ombre? Certainement, mais en même temps, ce rapprochement avec les États-Unis, tel que ces derniers le proposent, demanderait que la Chine prenne une part plus active dans les affaires internationales et le leadership dans le nouvel ordre mondial : « With great power comes with great responsabilities »! Ici exposé de manière volontairement provocatrice par le géostratégicien Barnett :


«China has great power and demands much in the way of resources and finances and trade from the world, but China does not give much back in return. It hides behind diplomacy, denying that its troops should ever spill their blood in defense of Chinese economic interests that are now protected by American blood spilt in the Middle East...It simply does not fulfill its rising—and already enormous—responsibilities as a great power. So, yes, if you were waiting for the time to declare America to be no longer omnipotent, that time has arrived. But the bad news is, now is the time for China to stop simply talking and start actually doing something. Slogans are not enough...China needs...now to start acting much older and much wiser and much more willing to play a seriously active role, because the days of hiding behind the skirt of the U.S. Leviathan and pretending Beijing can always play the “good cop” to America’s “bad cop” are over.»

À cette maxime, les dirigeants chinois préfèrent encore le beurre et l’argent du beurre! Le leadership des États-Unis peut (ou pouvait) se justifier par le rayonnement et la protection de son modèle : Démocratie et Individualisme, Liberté. Quant à Beijing, une prétention de leadership serait vite accusée de prétention hégémonique vu son modèle mélangeant régime autoritaire et capitalisme d’État. Sans compter qu’elle aurait à subir une recrudescence de critiques exhortant pour une libéralisation de son régime.

François Lachapelle, à Harbin

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