lundi 18 mai 2009

Réactions à chaud: Montée de tension en Mer de Chine



Au cours des dernières années, la Chine est parvenu à régler ses contentieux terrestres avec 13 de ses voisins. La situation ne progresse cependant pas aussi rapidement en mer. En effet, sur la Mer de Chine, les visées chinoises entrent encore en conflit avec celles de la quasi-totalité des pays de l’Asie Pacifique. Pour chacun des partis impliqués, les intérêts sont les mêmes : acquisition de domaines de pêche, contrôle d’importants gisements d’hydrocarbures ainsi que la sécurisation de couloir d’approvisionnement maritime. Du côté chinois, l’enjeu est de taille. 90 % de son commerce extérieur transite par la mer de Chine, 80 % de ses importations en pétrole y transige.

Alors qu’au cours des dernières années, une approche de gestion partagée semblait vouloir s’imposer, l’actualité de la semaine nous rappelle qu’au-delà de la bonne volonté, chaque partie demeure campée sur ses positions et se refuse à toute concession qui pourrait laisser une trace légale sur le plan du droit international. Le premier épisode de la semaine se déroula à l’ONU. La date limite pour déposer des requêtes territoriales maritimes, selon le “UN Law of the Sea Treaty”, arrivant à échéance le 6 mai dernier, 4 pays de l’Asie Pacifique tentèrent d’officialiser leurs prétentions sur les îles Spratly et Parcels. Les doléances malaises et vietnamiennes furent particulièrement mal reçues par Pékin. Celles-ci déclenchèrent une ronde d’intenses protestations diplomatiques ainsi qu’une montée des tensions entre la Chine et le Vietnam, ce qui déboucha sur une série d’accrochages entre les navires étasuniens et chinois en mer de Chine cette semaine. La décision du Vietnam, en avril dernier, de faire l’acquisition de 6 sous-marins russes de combat n’est pas non plus étrangère au conflit qui perdure dans cette région.


Encore plus récemment, le 12 mai dernier, le dépôt du rapport annuel japonais sur la sécurité suscita de vives réactions à Pékin. Ce rapport souligne l’importance de fournir une réponse appropriée aux activités illégales (非法活动), tant chinoises que taïwanaises, qui briment la souveraineté territoriale japonaise en Mer de Chine. C’est l’ajout d’un chapitre spécial dédié à la sécurité territoriale en mer qui retint particulièrement l’attention. Cet ajout se veut justifié par la présence croissante de navires de prospection chinois dans les eaux territoriales reliées aux îles Senkakus (钓鱼岛). Présentement administrées par le Japon, la Chine prétend que, comme ces îles font partie de son territoire ancestral, celles-ci lui reviennent de droit. Il est à souhaiter que ce soudain regain de tension en Mer de Chine ne soit pas précurseur de l’arrivée d’une nouvelle ère d’affrontement.

Ce retour à la « une » contraste vivement avec l’accalmie qui régnait depuis le début du troisième millénaire. L’avènement du « Soft Power » chinois, qui favorise de plus en plus l’utilisation de la puissance politique et économique, au détriment de la force militaire, joua un rôle important dans la pacification de la région. En effet, sans renoncer à sa "dite" souveraineté sur bon nombre d’îles de la région, Pékin semble vouloir privilégier la coopération à la confrontation. En 2002, la signature d’un code de bonne conduite dans la mer de Chine, qui permit de pacifier de façon appréciable la région, marqua un pas dans la bonne direction. Puis en mars 2005, trois compagnies pétrolières, une chinoise, une vietnamienne et une philippine, signèrent « un accord tripartite historique à Manille visant à prospecter conjointement les ressources de pétrole et de gaz dans les zones litigieuses de la Mer de Chine méridionale. » Quelques mois plus tard, lors du sommet de coopération économique de la sous-région du Grand Mékong, cette entente fut renforcée par la signature d’accord entre le Vietnam et la Chine visant à développer conjointement les zones disputées en Mer de Chine méridionale. Cette même année, le président chinois réitéra, auprès des plus hauts dirigeants des Philippines, de l’Indonésie et du Brunei, son désir des régler les litiges dans cette zone et à s'engager dans l'exploitation conjointe afin de transformer la Mer de Chine méridionale en une « zone d'eau, d'amitié et de coopération entre la Chine et l'ASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est). »

Un réchauffement significatif se fit même sentir au cœur des relations trop souvent problématiques entre la Chine et le Japon. Bien que de façon timide, les deux géants asiatiques se mirent d’accord, en juin dernier, pour « faire un premier pas vers l'exploitation conjointe" dans "une zone adéquate choisie" en Mer de Chine orientale. » « Cet accord ouvre la voie à une exploration et à une exploitation conjointe de ces réserves de gaz. Il "favorisera la paix et la stabilité en mer de Chine orientale, et bénéficiera à la Chine et au Japon en renforçant leur coopération dans le domaine de l'énergie", explique un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères repris par Chine Nouvelle. Pour les deux pays, un tel accord est un signe supplémentaire du réchauffement diplomatique entre Tokyo et Pékin. En mai dernier, le Premier ministre japonais Yasuo Fukuda et le président chinois Hu Jintao, s'étaient entendus pour en finir avec ce contentieux qui pèse depuis longtemps sur les relations bilatérales. »

Outre ces accomplissements, le « Soft Power » chinois permit de mettre en échec les projets de collaboration entre British Petrolium (BP) et le Vietnam. Suivant les pressions de la Chine, BP annonçait, en 2007, qu'il suspendrait ses travaux sur des champs gaziers situés au sud-est du Vietnam. L’année suivante, un projet d'investissement d'Exxon Mobil en mer de Chine méridionale fut lui aussi mis à abandonné grâce aux pressions politiques de pékin.

Charles Hudon

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