lundi 18 mai 2009

Explorations: La couleur de la Chine



De quelle couleur est la Chine? À cette question, la plupart des Chinois vous répondraient sans doute spontanément : « rouge! » D’autres pourraient aussi être tentés de répondre « brune ». En effet, en regardant les sérieux problèmes de pollution présents tant en campagne que dans les villes, le point de vue se défend. Aujourd’hui par contre, la Chine sera verte. Internationalement, il est à souhaiter que l’arrivée de cette Chine Verte vienne souffler un vent de dynamisme sur un secteur qui semble parfois manquer de repères.

Économie d’énergie, voitures électriques, énergies propres…l’innovation en matière d’environnement ne se frappe pas aux limites du cerveau humain, mais plutôt aux limites de sa volonté et de son budget. Or, il se trouve que, plus que jamais, ces deux variables abondent en Chine. Au-delà de la rhétorique entourant le débat relatif au droit au développement, la Chine fait maintenant face aux limites physiques de son environnement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2007, le Chinois moyen produisait 5.1 tonnes de CO2 alors que l’Américan moyen, lui, en produit 19.4 tonnes. Avec plus d’un sixième de la population mondiale, il n’est pas difficile de comprendre que la théorie du rattrapage devra tôt ou tard rendre des comptes à dame nature.


À Pékin, cette prise de conscience s’est traduite par une volonté inédite de transformer la Chine en une Chine Verte. Pourtant partant de très, très loin, la Chine est en voie de détrôner l’Allemagne comme champion de l’investissement en énergies renouvelables (en pourcentage de PIB). D’ores et déjà, la Chine se trouve en tête de liste en termes de production de ce type d’énergie et s’apprête à dépasser les pays développés pour sa production de nouvelles technologies propres. Depuis 2007, la Chine est le leader mondial en technologie solaire photovoltaïque et compte sur des standards d’efficacité énergétique automobile 40% supérieurs à ceux des États-Unis. Les politiques mises de l’avant par Pékin, combinées aux milliards investis, ont permis de créer un climat favorable à l’innovation qui commence déjà à porter fruit.


Bien entendu, beaucoup reste à faire avant que l’on puisse réellement parler d’une Chine Verte. Ses détracteurs ne manquent d’ailleurs pas de rappeler que, malgré ses efforts, comme 80% de l’électricité chinoise provient du charbon, celui-ci reste, et restera la principale source de production énergétique pour Pékin. Considéré comme le plus polluant des combustibles fossiles, son utilisation croissante est la grande responsable derrière l’explosion des émissions de gaz à effet de serre chinois. La Chine utilise maintenant plus de charbon que les États-Unis, l’Europe et le Japon combinés. En effet, l’abondance et le faible coût du charbon en Chine a été jusqu’ici extrêmement profitable tant pour le consommateur moyen que pour les industries plus énergivores. La Chine est cependant de plus en plus consciente qu’à moyen terme, l’environnement doit aussi être pris en considération lorsqu’il est temps de calculer la profitabilité économique. Le 10 mai dernier, le New York Times nous apprenait que même en ce qui a trait au charbon, la Chine semble vouloir se hisser en chef de file.


Il y a près de deux ans maintenant, la Chine entreprit de faire le grand ménage dans son industrie du charbon. Le gouvernement projeta de remplacer graduellement ses vieilles centrales par de nouvelles, beaucoup plus efficaces et moins polluantes. Ces nouvelles centrales plus efficaces brûlent moins de charbon et émettent moins de dioxyde de carbone pour chaque unité d'électricité qu'elles génèrent. Alors que les plus désuètes ne parviennent à convertir que 27% de l'énergie du charbon en électricité, les plus efficaces atteignent désormais un rendement aussi élevé que 44% (aux États-Unis, les plus efficaces ont un rendement de 40%). En réduisant de plus d’un tiers les émissions de gaz, ces nouvelles politiques promues par Pékin ont un impact considérable sur le réchauffement climatique. Officiellement, la Chine exige maintenant aux compagnies d'électricité de retirer une vieille centrale plus polluante pour chaque nouvelle centrale construite.


Les efforts de la Chine commencent déjà à porter fruit. Cette « révolution propre » a permis l’assimilation de nouvelles technologies qui réduisent considérablement les coûts. La construction de l’une de ces nouvelles centrales vertes coûte aujourd’hui le tiers de ce que coûte la construction d’une centrale moins efficace aux États-Unis. Du côté environnemental, en novembre 2008, l'AIE réduisait ses prévisions quant à l'augmentation annuelle des émissions chinoises de gaz à effet de serre, les faisant passer de 3,2 à 3%, en réponse à des gains technologiques, en particulier dans le secteur du charbon.


Bien entendu, tout n’est pas blanc ou…brun. Sans pour autant accorder le ciel sans confession à Pékin, je crois qu’il est beaucoup plus productif de se focaliser sur ce qui se passe de positif au cœur de l’empire du milieu et ainsi apprendre le l’expérience chinoise. Les dernières années ont su démontrer une volonté claire et affichée de faire de l’environnement une priorité nationale en Chine, une priorité presque aussi importante que...le développement économique...Considérant les politiques déjà mises de l’avant et les moyens dont la Chine dispose, on peut oser espérer que le temps va s’occuper du reste. Dans le domaine des énergies vertes, la Chine pourrait déjà faire la morale à plusieurs pays occidentaux. Nos dirigeants n’ont qu’à bien se tenir s’ils veulent rester dans la course.

Charles Hudon

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